
DE LA DÉCONNEXION... À LA RECONNEXION
Quand je pars me ressourcer à la petite maison de pêcheur, mon téléphone passe en Edge. Je n'ai pas de télévision, pas de box internet. Le chauffage y est faible, il y a juste une casserole, une bouilloire... rien en double pour une vie simple et déconnectée.
Loin des réseaux et près du feu, je me suis rendue compte combien j’avais laissé Instagram abuser de mon énergie, de mon temps et de ma créativité au cours de ces dernières années.
Le compte d’ ELOVUTION a déjà disparu par souci éthique. Voici pourquoi je supprime aujourd’hui aussi le compte de l’Atelier.
Instagram vient de changer le format carré et iconique de ses publications. L’arrivée du portrait 4/5 ruine dans le même temps les murs de nombre d’entre nous ayant usé (voire abusé) des présentations en grilles composées de trois, six ou neuf images à des fins artistiques.
L’emphase est définitivement mise sur la vidéo: l'apparition des stories a été suivie de l'avènement des réels, devenus aujourd’hui le seul format garant d'une visibilité. Et pour être repéré par l’algorithme et partagé, il faut en publier à un rythme très soutenu!

Or je ne suis pas vidéaste et ne compte pas me mettre en scène. Du shoot narcissique que cela requiert découle un sentiment de dédoublement de soi et un éloignement de la matière picturale.
Se filmer en train de créer n’est pas créer.
Réaliser un time lapse d’une “session de peinture wahou” n’est pas la réalité: la vidéo se doit d’éluder les hésitations, les latences, les repentirs. Pour être visuel et synthétique, il faut avoir recours à des combines et des raccourcis.
Comment peindre sachant que le film condensé de la séance et son "résultat" prévaudront sur ce qui s’est réellement passé entre le pinceau, le support, la couleur et le silence ? Comment partager l’intimité sacrée de l’atelier sans avoir recours à l’anecdote? Comment s’exprimer à la caméra alors qu'on embrasse une vie de peintre pour éviter de parler?
Je travaille à créer pour montrer l’invisible à partir d’un espace non-égotique. C’est à la fois laborieux et prodigieusement immédiat, mais filmer cet engagement méditatif reviendrait à me contorsionner jusqu'à contredire le principe de cette recherche. Il s’agirait de cristalliser l’archétype de l’ “Artiste” — persona — qui n’existe pas quand j’entre l’atelier.
Je n'ai pas non plus envie d'engager un community manager pour lui confier le job et me soumettre à une nouvelle régence: celle d’une ligne créative forcément artificielle puisque mue par une perspective de “marketing et communication”.
J'ai aimé Instagram à ses débuts, pour sa simplicité et son immédiateté. Il permettait de créer une galerie simple et ludique. L’interaction avec les amateurs y était possible et joyeuse. J’utilisais l’application comme vision board ; elle pouvait m’inspirer.
Mais des connexions providentielles promises… je n’en ai jamais eues. Ma présence sur Instagram n'a jamais abouti à une vente, ni permis de rencontre décisive. Force est de constater que j'ai rencontré tous mes commanditaires, mes clients et partenaires dans le réel: grâce à des présentations et mises en relation, des amis, des voyages, des retraites et des alignements du coeur.
Et que connait l’algorithme au coeur?

Le beau et l’humanisme ne sont pas des valeurs Meta (Instagram / Facebook): Mark Zuckerberg s’aligne désormais ouvertement avec la voix conservatrice américaine. En rejoignant la cohorte Trump-Musk, il officialise la motivation souveraine qu’on lui soupçonnait: celle du pouvoir et de l'argent.
Ceux qui lui auraient prêté une vision sociétale en sont ainsi pour leurs frais. Il annonce la fin du fact checking et prône désormais une posture viriliste.
Cela suffit à faire réfléchir tout usager doté d'une conscience un minimum engagée.
Je n’ai pas l'aura médiatique ou d’influence me permettant d’affirmer que je bannis l’application par acte militant. Le proclamer serait présomptueux mais le dégoût que m’inspire son orientation se joint à ses effets délétères sur ma créativité.
Aujourd’hui, Instagram ne sert plus les créateurs mais vampirise leurs œuvres pour nourrir et éduquer son ogre d'Intelligence Artificielle en plein apprentissage.
Il les asservit en leur imposant le diktat de son algorithme. Pourtant l’application est définitivement dépassée dans ses fonctionnalités. Son choix de vouloir suivre et imiter TikTok trahit un management de boomer.
Et puis surtout, notre fil d’actualité a cessé de nous montrer les publications des personnes auxquelles nous sommes abonnés : les comptes qui ne respectent pas les injonctions mouvantes du programme disparaissent. Les créateurs créent, se forment, courent après l’algorithme et deviennent dans le même temps de moins en moins visibles.
Nous sommes noyés de publicités et de publications de comptes que l’on ne connait pas. Les stratégies commerciales occultent l’authenticité des liens. Meta viole nos cerveaux.

Le temps s’accélère.
J'en manque et m'applique à concentrer mon attention sur les priorités de l'instant.
Instagram est un outil dangereux car il m’éloigne de la réalité, de ma présence au monde. Il me fait manquer le bruissement du papier, les variations de lumière, l’ombre de mon chat. Il me fait croire que ce “Je” fantasmé est plus important que ce que font mes mains, que là où me guident mes pas, que ce que chuchotent les muses.
Or je n’ai plus rien à partager sous le nouveau format imposé par l’application.
J'ai juste envie de vrai, d’humanité et de rencontres.
Les fenêtres de l’atelier restent grandes ouvertes avec LE PORTFOLIO de mon site, LA LETTRE , LE JOURNAL , canaux de partage directs et sincères, sans filtre.
Et puis aussi et surtout, parlons art, créativité, projets et Nature de vive voix: à l’atelier, au café de Paramé, ou sur zoom!
A très bientôt dans le réel !
P.S.: Ma démarche gagnerait en cohérence si je quittais aussi Facebook. C'est fait! :-)
Les réseaux ne durent pas, rien ne dure. (Etiez-vous aussi sur Myspace en 2003?)
Je ne doute pas que face à ces écueils largement constatés chez les créateurs, d’autres propositions de plateformes plus éthiques et adaptées aux bouleversements en cours se dessineront bientôt.