IMPRESSION D'ART
- Meiun Caroline MABY

- 31 juil.
- 4 min de lecture

Si j'ai le sentiment d'avoir toujours tenu un pinceau à la main, la voile a été ma priorité pour un temps.
À l'époque où j'ai fait deux championnats du monde féminin en Hobie Cat 16 (1994/95), l'équipe Américaine m'avait proposé de tenter les sélections pour le projet de Bill Koch, Mighty Mary, premier Defender de l'America's Cup dont l'équipage allait être entièrement féminin.
Il fallait déménager à San Diego. J'avais à peine 20 ans, un caractère plutôt autistique et parlais mal très mal anglais.
Je me souviens de la discussion décisive que j'ai alors eue avec mon père, écartelée entre deux aspirations viscérales: celle de peindre et celle d'être en mer.
S'il me soutenait indéfectiblement, le choix de m'engager sur un chemin créatif l'a emporté sur celui de devenir marin — considérant qu'il serait plus facile de rester en lien avec l'océan en ayant une vie d'artiste que l'inverse.
Je ne manquais pas de courage, mais de confiance en moi — et si je ne n'ai jamais cessé de peindre et de dessiner au quotidien, je ne m'imaginais pas m'autoproclamer artiste-peintre : il me fallait un "vrai métier".
Après un engagement au bureau d'architecture intérieure d'un chantier naval en Angleterre, puis au front-office d'un broker Forex américain, j'ai tenté de renoncer à la dispersion.
Amoureuse du papier et des livres d'art, sensible à la gravure et l'athmosphère d'ateliers où veillent des machines sentinelles, j'ai choisi devenir lithographe !
Je suis entrée en stage au renommé Atelier Desjobert dans le XIVème à Paris, résolue à apprendre sur le tas.
Les vieux compagnons en blouse, gitane au bec, ne m'ont pas accueillie avec la bonhomie espérée.

Que venait faire cette jeunette de province dans leurs pattes?
Taiseux et peu enclins à transmettre comment apprivoiser les bêtes à cornes*, j'ai rapidement atterri dans un bureau, assignée à décomposer les couleurs des œuvres confiées par les artistes et les reporter sur les films utilisés pour insoler les plaques de métal.
Rapidement compris et assimilé, ce job de coloriste manquait vraiment de folie créative.
De temps à autre passaient des artistes de renom. De rares fois j'ai pu descendre les regarder peindre sur pierre, mais le plus souvent, ils venaient vérifier le rendu des films avant le tirage. On ne ponçait plus les masses de calcaire entassées dans un fond d'atelier, on imitait.
Ô mécanisation ! Ô déception ! Adieu peaux de crapaud (effet d'encre incontrôlable) ! Bye bye lenteur et surprises magiques, les heures lumineuses de la lithographie étaient donc révolues.**
* Bête à cornes: nom donné aux imposantes presses à leviers.
** Ce qui 20 ans après tend à être contredit car de merveilleux ateliers conservent et promeuvent ce savoir-faire avec un talent fou.
Dans le même temps, sortaient les premières machines digitales de reproduction d'art à encres pigmentaires et les résultats étaient bluffants : le rendu couleur était impressionnant par sa densité, son velouté et sa profondeur...












